The Crow. Thomas avait comprit en cours de route que c'était là le nom de scène de Hyacinthe. Pourquoi ce nom là ? La question avait effleuré son esprit, mais heureusement pour lui il n'en avait pas fait une fixation. Il savait juste qu'il aimait bien les oiseaux et que les corbeaux était des oiseaux, alors il aimait bien ce nom de scène.
Le marionnettiste aimait beaucoup les artistes et leur numéro. Les gestes limpides, les émotions muettes, toute forme d'art qui ne passait pas par la parole le touchait tout particulièrement. Il aurait été ravi de voir les exploit de son nouvel ami, pourtant lorsque ce dernier lui proposa, il se renferma soudainement.
- Non... répondit-il instinctivement avec un petit sursaut.
Je n'aime pas... Je n'aime pas le chapiteau. C'est trop bruyant en dessous. Trop bruyant et les lumières sont méchantes là bas. Je n'aime pas. Je n'aime pas... dit-il tristement.
Car Tommy était bien triste de ne pouvoir apprécier le talent de ses camarade du cirque. Les seules fois où on l'avait obligé à assister à un spectacle, le surplus de stimulation visuelle et auditive l'avait rapidement envoyé se recroqueviller dans un coin, tremblant et hurlant à la mort.
Le jeune homme se balança doucement d'avant en arrière sur le lit de Hyacinthe. Son regard effleura rapidement la silhouette de l'homme et de ses longs cheveux noirs avant de se perdre ailleurs. Il se mordit la lèvres, déçu de ne pouvoir assister à quelque chose qu'il avait pourtant très envie de voir.
- Mais j'ai vu tes rubans et j'aime bien les rubans. Et tes ailes aussi, j'aime bien les ailes. Comme les oiseaux, j'aime aussi les oiseaux. Pourquoi colle-tu des ailes sur son dos ? Pour voler comme les oiseaux ? Comme un corbeau ? demanda-t-il avec un sourire amusé.
C'était là une façon mal exprimée de la part de Thomas de lui dire que peut-être ils trouveraient un autre moyen pour lui faire voir son numéro. Ses mots manquaient leur cible mais sa petite tête s'inclinant avec un sourire tendre communiquait plutôt bien sa volonté et sa joie.
- C'est bien. Emile dit que quand c'est pas réciproque ça fait des problèmes. Et je n'aime pas les problèmes. répondit-il doucement en guise de remerciement pour les mots de Hyacinthe.
Ce dernier vint le rejoindre sur le lit mais Thomas ne sentit pas le besoin de s'éloigner. Hyacinthe avait laissé assez de place et le marionnettiste fut distrait pas le petit rebondissement du matelas. Il écouta ses mots en acquiesçant et en souriant, bien qu'il fixait distraitement les doigts fins de l'homme gratter la surface irrégulière de son genoux.
Sa question sembla faire mouche dans l'esprit de Thomas mais ce dernier ne répondit pas immédiatement comme il l'avait fait jusqu'ici. Son visage alors détendu et heureux s'anima d'un petit froncement de sourcil, comme s'il avait du mal à faire sens de la question. Puis plus il semblait y réfléchir, plus son visage s'assombrit.
- Non. Je- Je n'aime pas cette question. Je n'aime pas cette question, je- Non ! Prit de panique, le garçon s'était mit-il à crier et se recroquevilla sur le lit, les mains plaquées sur les oreilles. Un fil dépassa de sous sa veste.
- Tu vas la fermer oui ?! s'éleva une autre voix soudainement. Graveleuse, sombre et puissante, elle réduisit instantanément les cris de Thomas en faible marmonnements affolés.
Putain, on dit que c'est pas contagieux mais ce satané marmot va me rendre fou !La voix était forte, présente et vibrait comme si quelqu'un de massif s'était matérialisé dans la petite caravane. Mais il n'y avait personne. Personne à part Hyacinte et le petit Tommy complètement terrorisé.
- Non, non, non ! Pas toi. Pas toi ! Tu n'es pas bienvenu ici, tu n'as pas la permission. Pas toi. pas toi ! couina le marionnettiste, toujours recroquevillé et tremblant comme s'il craignait que quelque chose ne lui tombe dessus subitement.
- Chiale en silence, veux-tu ! J'pose mes miches où bon m'semble ! Hurla la voix. Tommy se tut complètement, se résumant alors à un petit bout d'homme tremblant dans un coin.
Même si j'suis pas fan non plus du taudis de la vieille pute. Qu'est-ce que tu fais là hein, Tommy ? Tu viens prendre ton pied avec la vieille pute ? marmonna la voix plus faiblement d'un ton doucereux.
Elle sembla venir directement se loger dans l'oreille du marionnettiste. Peut-être aussi, parce qu'elle provenait de lui.